L'art de brainstormer seul sans s'isoler
Penser seul peut sembler plus rapide, plus pur, plus clair. Mais sans friction, pas d’affinage. Cet article interroge le rôle de la solitude stratégique et du brainstorming dans la qualité des idées.
Lucie Michaut
8/7/20252 min read
S'enfermer dans sa tour d'ivoire. Et n'y voir plus rien.
À l’origine, la tour d’ivoire n’était pas un reproche.
C’était une image d'élévation.
Dans le Cantique des Cantiques, elle désigne Marie.
Une figure de pensée divine.
Loin du monde, au-dessus du tumulte.
Puis la littérature l’a reprise.
Et peu à peu, le sens s’est retourné : de la sagesse solitaire à l’arrogance isolée.
Aujourd’hui, la « tour d’ivoire » désigne ceux qui pensent sans se mouiller.
Les experts hors-sol. Les théoriciens. Les intellectuels sous cloche.
Mais qui n’a jamais rêvé d’un endroit où penser sans être interrompu, bousculé, contraint ?
Un lieu d’idées nettes.
Sans les aspérités du réel.
Le problème, ce n’est pas la tour.
C’est d’oublier qu’elle n’a pas de ponts.
Penser haut, pourquoi pas.
Mais penser seul, pour qui ?
La tentation du génie isolé
Travailler seul, penser juste ?
Dans certains contextes, la concentration extrême est une nécessité : conception de stratégie, écriture, vision long terme.
Mais attention : la hauteur sans lien mène à l’aveuglement.
Un professionnel peut se perdre dans ses propres schémas logiques s’il n’a plus de points d’ancrage avec le terrain, les utilisateurs, ou l’équipe.
Réflexion :
Avez-vous déjà finalisé une idée brillante… mais totalement inapplicable ?
À quel moment la concentration devient-elle déconnexion ?
Le brainstorming n’est pas un compromis. C’est une boussole.
Penser ensemble, ce n’est pas diluer
On critique parfois le brainstorming pour sa lenteur ou son manque de tranchant. Mais il offre quelque chose qu’aucune tour d’ivoire ne donne : de la friction fertile.
Les désaccords, les malentendus, les points de blocage sont souvent ce qui permet d’affiner une stratégie, de tester un angle ou de débloquer une idée figée.
Questions pour vous :
Qui challenge vos idées aujourd’hui, et avec quelle liberté ?
Votre processus créatif prévoit-il une ouverture extérieure, ou reste-t-il auto-alimenté ?
Penser haut, oui. Mais pas hors-sol.
Le vrai luxe : alterner les deux
Vous avez le droit de vous isoler pour penser. C’est même une condition pour creuser.
Mais à un moment, il faut descendre de la tour, traverser le pont et soumettre votre vision au réel.
Et si ce pont n’existe pas encore… il faut le construire. Par une discussion, un atelier, un retour client, une friction douce mais nécessaire.
Ce n’est pas renoncer à sa vision. C’est l’aiguiser.
Exercice : testez votre propre tour d’ivoire
Choisissez une idée sur laquelle vous travaillez seul actuellement : positionnement, offre, direction de contenu…
Répondez honnêtement :
Cette idée a-t-elle déjà été confrontée à d’autres points de vue ?
Que redoutez-vous d’entendre si vous la partagiez à ce stade ?
Identifiez 1 à 2 personnes de confiance qui pourraient la challenger.
Organisez un micro-brainstorm de 15 minutes avec une seule règle : ne pas être d’accord tout de suite.
S’isoler peut faire naître de belles idées.
Mais les vraies stratégies ne survivent pas seules.
Elles doivent traverser les ponts, affronter les autres cerveaux, et revenir plus justes.